AMC, GRAND ORAL
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ou : Qui peut croiser d'autres disciplines
C l a s s e d e p r e m i è r e A. M. C.
Thématiques, axes et objets d’étude
Avant-propos
L’enseignement de spécialité Anglais, monde contemporain vise à sensibiliser les élèves à a diversité des sociétés et des cultures du monde anglophone. Entité complexe, celui-ci s’entend comme un ensemble de pays ayant des liens linguistiques bien entendu, mais aussi et surtout historiques, politiques, économiques et culturels.
On pense avant tout au Royaume-Uni et aux pays du Commonwealth, à l’Irlande et aux États-Unis.
L’enseignement de spécialité se donne pour objectif d’analyser quelques grands
enjeux sociétaux, économiques, politiques, géopolitiques, culturels, scientifiques
et techniques du monde anglophone contemporain, en partant de questions actuelles
et en les resituant dans leur contexte historique afin de donner aux élèves les repères
et les clés de compréhension indispensables.
Il prend appui, pour aborder des questions contemporaines du monde anglophone, sur une grande variété de supports : -presse écrite et audiovisuelle, -sites d’information en ligne, -extraits de publications scientifiques, -discours,-documents iconographiques, -cartographiques, -statistiques, -films, -séries télévisées, -documentaires, représentations artistiques, etc.
Il contribue au développement des compétences de lecture des élèves, de leur sens critique, de leur esprit d’analyse et de leur autonomie, ainsi qu’à la maîtrise de la langue dans des contextes usuels, des situations de communication nécessitant une connaissance suffisante des enjeux & des nuances entre les différentes régions qui composent le monde anglophone.
Thématique 1 : « Savoirs, création, innovation ».
L’actualité fournit de nombreux exemples de la capacité des pays du monde anglophone à innover dans le domaine des sciences et des techniques, dans le champ de la culture et des arts, mais aussi en matière d’organisation du travail ou de moyens de communication.
Savoirs et innovations techniques découpent le temps en périodes ou en ères, marquées par un changement décrit et commenté par les acteurs eux- mêmes, par la presse contemporaine et par les commentateurs des générations successives. Ainsi, la révolution numérique – aussi appelée quatrième révolution industrielle – voit la technologie évoluer à une vitesse sans précédent. L’innovation affecte la société dans son ensemble, son bien-être et ses modes d’organisation, de logement, de consommation ; les secteurs de l’économie, des transports, des services, de la sécurité au quotidien, s’en trouvent modifiés. Les progrès effectués peuvent être ancrés dans un territoire délimité ou résulter de collaborations entre États. Le commerce et les échanges se chargent de les diffuser. L’innovation et la création sont fécondes pour les médias, qui font commerce de « nouvelles » et observent les variations susceptibles d’affecter le public auquel ils s’adressent. Parfois présentées sous le jour de nouvelles modes, de mutations inéluctables ou d’évolutions inquiétantes, ces évolutions sont le fruit de la chaîne de production des savoirs : un maillage d’écoles, d’universités et d’organismes de recherche et d’innovation construit et transmet les savoirs, et développe les compétences de la population. À côté des institutions productrices de connaissances et de compétences, et en interaction avec elles, une large diffusion des savoirs par l’imprimé et l’image (aujourd’hui souvent numérique) permet aux individus et au monde de l’entreprise de contribuer au développement des savoirs, des sciences et des technologies. Ainsi se forme une société du savoir qui ne cesse de se renouveler, de disséminer ses connaissances, d’observer et de commenter ses évolutions, en les confrontant à la diversité des points de vue, des interprétations et des applications.
Les savoirs, la création et l’innovation peuvent être étudiés sous l’angle de leur apparition, de leur développement, de leurs évolutions, ainsi que par le biais des débats et controverses qu’ils suscitent (changement climatique, développement durable, biodiversité, etc.). La presse se fait l’écho de ces phénomènes, évolutions et polémiques. La littérature (y compris pour la jeunesse) et toutes les formes d’art intègrent les tendances actuelles ; la fiction les préfigure parfois dans les films et les séries, dans les ouvrages de science-fiction ou dans les utopies, fournissant ainsi à la fois une représentation (textuelle, visuelle ou artistique) de l’innovation et une matière pour la réflexion. Journalistes, essayistes, philosophes, chercheurs, acteurs politiques et créateurs s’interrogent sur les conséquences de ces changements sur les hommes et les femmes d’aujourd’hui et de demain, sur leur humanité (augmentée, transformée, manipulée, etc.), sur leur capacité à bénéficier de ces évolutions et à résister à leurs dérives.
Axe d’étude 1 : Production et circulation des savoirs
Cet axe invite à recenser, dans l’aire anglophone, les manifestations contemporaines de la production des savoirs, que cette dernière soit formalisée dans les institutions scolaires et universitaires, transformée et poursuivie par le monde de l’entreprise ou informelle, fruit de l’expérience ou de l’expérimentation.
Dans le monde anglophone, la production et la transmission des savoirs par les chercheurs s’appuient volontiers sur une approche empirique. Elle permet au grand public de participer au développement de la science et des techniques, d’acquérir et de s’approprier des connaissances dans une grande variété d’institutions éducatives.
L’espace numérique, devenu un lieu privilégié pour partager les savoirs, créer, recréer
et innover, est en cela un levier majeur du développement d’une culture pour tous et participative, qui peut passer du local au planétaire (celle des youtubeurs, par exemple).
Le numérique modifie notre rapport aux savoirs et les rend dynamiques. Il permet une réactualisation inédite du patrimoine culturel ; il révèle et amplifie les évolutions du
langage, de la pensée et des sociétés. L’ensemble de ces évolutions est abordé dans le monde anglophone.
Exemples d'objet d'étude
La société du savoir : les acteurs et les mécanismes de production du savoir ; la société du savoir dans ses déclinaisons locales (clubs ou associations à but éducatif, pour la promotion des savoirs, des arts ou de l’innovation) ; le numérique éducatif, la numérisation des savoirs et des ressources ; la production de contenus par les institutions, les professionnels (podcasts des radios) et les usagers (vidéastes, blogueurs, etc.), les encyclopédies collaboratives en ligne ; limites et conditions du partage et de la diffusion des savoirs : fracture numérique, limites juridiques, etc. ; le rôle de la presse (généraliste ou spécialisée) et des médias en ligne dans la production et la circulation des savoirs, dans la mise en débat des certitudes et incertitudes des différents domaines du savoir.
L’éducation et les systèmes éducatifs : grandir et étudier en Angleterre, Écosse, Irlande, Californie, Australie, Nouvelle-Zélande, au Canada, au pays de Galles, aux États-Unis, etc. – comparaisons et contrastes ; la mobilité étudiante dans le monde anglo-saxon : flux entrants et sortants, fuite des cerveaux; l’accès à l’école, à l’université et l’égalité des chances; l’enseignement à distance et les nouvelles formes de diffusion et de partage des savoirs ; la diversité des savoirs dans les systèmes scolaires (contenus et programmes) ; l’interactivité des savoirs (universités, bibliothèques, musées, fondations) ; la question des contenus étudiés dans les sociétés multiculturelles : une histoire ? des histoires ?
Axe d’étude 2 : Sciences et techniques, promesses et défis
Cet axe d’étude peut être traité en relation et en prolongement de l’axe d’étude
« Innovations scientifiques et responsabilité » abordé dans le tronc commun ; il explore
les manières particulières dont le monde anglophone réalise des avancées scientifiques, techniques et technologiques dans des domaines variés (consommation, énergie, habitat, transport) et s’en empare à l’aune, notamment, des divers enjeux économiques, environnementaux et sociétaux qui lui sont propres. Ainsi, dans la continuité de leur histoire et malgré la concurrence internationale, les États-Unis conservent un dynamisme remarquable dans les secteurs de haute technologie. Réagissant au ralentissement de leur croissance économique tout en répondant à une forte demande sociétale, le Royaume-Uni et le Canada développent des politiques volontaristes pour se projeter dans la transition écologique et la course à l’innovation, stimulant par exemple le développement des technologies propres et l’industrie manufacturière.
Une mise en perspective de l’actualité (intelligence artificielle, OGM, gaz de schiste, etc.) est l’occasion d’aborder, ponctuellement, les courants et évolutions de la pensée scientifique, philosophique et politique des zones géographiques étudiées. Capitalisme, liberté d’entreprendre, société de consommation sous- tendent l’expansion des géants du numérique et des secteurs commerciaux dépendants des nouvelles technologies (le e-commerce par exemple), mais peuvent être mis en question par une société qui réfléchit aux conséquences de ces modèles de développement.
Les acteurs du monde de la culture, quant à eux, s’emparent des outils numériques du XXI siècle pour stimuler la création artistique et explorer le potentiel à la fois esthétique et interactif qu’ils offrent : de l’arrivée de la réalité augmentée dans les musées à l’avènement du numérique au cinéma, des logiciels qui transforment la création musicale aux hologrammes qui bouleversent le spectacle vivant jusqu’à la réalisation d’objets d’art au moyen du code informatique ou de nouveaux procédés de fabrication comme l’impression 3D. La démarche de l’artiste s’en trouve modifiée et l’expérience du public change elle aussi.
Cet axe s’intéresse aux relations entre arts, sciences et techniques et à leurs manifestations dans le monde anglophone.
Enfin, replacer les innovations dans leur contexte en croisant les regards (des scientifiques, des politiques, des médias, etc.) qui sont portés sur elles permet d’interroger de manière critique leur pertinence, leur efficacité, et leurs éventuels impacts (directs ou indirects, à court et à long terme). Les grandes avancées de notre siècle conduisent à des changements multiples dont la plus-value est à apprécier au regard de leurs effets. Au cœur des grandes préoccupations du XXIe siècle, les évolutions scientifiques, techniques et technologiques concernent tous les aspects de la vie humaine et jouent un rôle essentiel dans les choix de société et de développement qui s’opèrent. Les effets de ces avancées et les controverses qu’elles suscitent sont abordés dans le monde anglophone.
Exemples d'objets d'étude
La course à l’innovation : le poids économique et le rôle géopolitique des sciences et techniques (concurrence dans les industries de l’espace et de la téléphonie, par exemple) ; les stratégies nationales volontaristes (Innovation for a Better Canada, leadership dans le domaine de l’intelligence artificielle aux États-Unis, Innovation Nation au Royaume-Uni) ; les prix Nobel et autres distinctions ; la jeunesse innovante (Youth Innovation Award au Canada, Youth Innovation Centres en Jamaïque, Young Innovators of Nigeria Social Organization) ; nouveaux modes d’organisation des entreprises (start-ups, fablabs).
De l’idée à l’objet : étude longitudinale d’une innovation américaine : genèse d’une idée, création d’un objet, fabrication à grande échelle, voire commercialisation ; les objets connectés (tablettes numériques, téléphones portables, montres) ; réparer et augmenter l’être humain (exosquelette, prothèses extra et intra corporelles, etc.) ; les moyens de transport (drones, voiture autonome, train à suspension magnétique)...
Thématique 2 : « Représentations ».
Cette thématique vise à étudier la notion de représentation dans ses diverses acceptions.
Dans sa première acception, la représentation se comprend comme politique : cet axe d’étude vise donc à s’interroger sur la manière dont les citoyens sont représentés et participent à la vie publique et politique.
Représenter et se représenter le monde anglophone, c’est aussi informer et s’informer. L’accès à une information plurielle qui reflète la diversité des points de vue est un enjeu contemporain majeur.
Les médias sont un moyen privilégié par lequel sont véhiculées des idées, des images ou des représentations qui influencent notre vision de la réalité. Il s’agit ici de voir comment se détermine la façon dont les individus et les groupes perçoivent les enjeux politiques, économiques et sociaux de leur époque.
La représentation peut, enfin, être esthétique et permettre, par le truchement de la création artistique et culturelle, de véhiculer des images ou des idées et de rendre sensibles des concepts : on s’attache à travers cette notion à étudier la façon dont les sociétés du monde anglophone se représentent à elles-mêmes et se représentent le monde, dans des mises en scène allant de la critique en passant par le consensus, l’anticonformisme et le stéréotype.
À travers les prismes politique, médiatique, culturel et artistique, cette thématique doit permettre une lecture critique et informée des événements, et encourager les élèves à percevoir et confronter les points de vue pour appréhender la pluralité des approches des phénomènes contemporains.
Axe d’étude 1 : Faire entendre sa voix : représentation et participation
À la lumière d’événements récents, cet axe d’étude permet d’explorer les modes de représentation des citoyens dans les pays du monde anglophone tels qu’ils sont prévus par les constitutions des États concernés, mais également tels qu’ils s’expriment concrètement selon les contextes politiques, économiques et sociaux de l’époque.
Si la plupart des États du monde anglophone se réclament de la démocratie, cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont régis par une organisation uniforme : le système parlementaire du Royaume-Uni fonctionne, en effet, selon des règles très différentes de celles de la république fédérale des États-Unis ou de l’Inde, ou encore de celles de la république d’Afrique du Sud. Par-delà ces différences qu’il convient d’expliciter, on s’attache à explorer et à analyser, à travers l’étude d’événements récents, la manière dont la souveraineté populaire s’accomplit par le biais de l’action de ses représentants politiques, ou se trouve empêchée au point qu’une partie de la population ne se reconnaisse pas dans la politique menée. Des situations qui mettent en question la représentation politique peuvent conduire certains citoyens à essayer de faire entendre leur voix à travers les réseaux sociaux. Ceux-ci jouent un rôle dans l’évolution des mécanismes de représentativité démocratique.
Axe d’étude 2 : Informer et s’informer
Cet axe d’étude permet d’analyser les représentations véhiculées dans les médias par la couverture de situations et d’événements particuliers du monde anglophone. En tant que relais du débat public, les médias – et par extension l’ensemble des diffuseurs d’information depuis l’avènement du numérique – sont l’un des outils privilégiés qui aident le peuple à se construire un savoir, à se représenter les enjeux politiques et sociaux et, plus largement, le monde.
L’influence des médias sur la société et l’opinion publique n’est pas à sens unique : l’étude des interactions entre médias, monde politique et opinion publique peut mettre en lumière les réseaux d’influence et la construction de l’opinion. À ce titre, il convient de tenir compte des contextes nationaux spécifiques. En comparant le traitement médiatique et journalistique d’un même événement dans différents médias (ou différents pays), on peut ainsi mesurer l’étendue du principe de la liberté d’expression et ses limites, et appréhender la diversité de tons et d’opinions qui s’exprime dans les médias traditionnels et collaboratifs du monde anglophone.
Cet axe d’étude permet, par ailleurs, d’étudier la manière dont les médias anglophones se sont adaptés aux enjeux du XXIe siècle, notamment le défi posé par la multiplication des écrans, le succès des sites d’information gratuits puis des agrégateurs, qui mettent en difficulté les médias traditionnels.
Axe d’étude 3 : Représenter le monde et se représenter
La dimension esthétique et culturelle de la représentation est au cœur de ce dernier axe d’étude. On se propose ici d’étudier la manière dont les sociétés anglophones se donnent à voir à elles-mêmes et au reste du monde à travers des productions culturelles et artistiques. L’acte de représentation, compris ici comme la diffusion d’une image ou d’une idée, est intimement lié à l’art. Il permet de véhiculer des idées par le biais du cinéma (les heritage films, les films de Ken Loach), de la peinture (Banksy, Faith Ringgold, Hew Locke, etc.), de la musique (les chansons de Bob Dylan, le rap et la culture hip hop), de la littérature (extraits d’œuvres de Paul Auster, Sherman Alexie, Jonathan Coe, Arundhati Roy, J. M. Coetzee, Nadine Gordimer, Siri Hustvedt, etc.), du spectacle vivant (théâtre, danse, opéra, arts de rue), de l’architecture (le paysage urbain de Londres ou New-York, l’opéra de Sydney) et de la publicité, commerciale ou institutionnelle.
Le graphisme et l’image au sens large doivent également être envisagés comme autant de mises en scène du réel permettant de visualiser des faits, de représenter et d’organiser le monde. Les symboles et les idées sont, quant à eux, de puissants outils de représentation dont les pays du monde anglophone peuvent user afin d’asseoir leur influence (soft power).
Ces représentations artistiques et symboliques du monde anglophone doivent toutefois se lire à la lumière du contexte culturel, social et politique dans lequel elles s’inscrivent. Une approche comparative pourra ainsi être menée afin de mettre en perspective différents supports (peintures, textes littéraires, films, séries télévisées) et de saisir le caractère arbitraire, stéréotypé ou consensuel de certaines productions artistiques et culturelles.
Thématiques de la classe terminale A.M.C.
Thématique 1 : « Faire société »
L’anglais étant la langue officielle de près de cinquante pays, l’espace anglophone constitue un important pôle d’attraction, qui attire des populations à la recherche de nouveaux horizons (souvent pensés comme des Eldorados) ou donne lieu à la constitution de diasporas. La langue joue alors le rôle de vecteur d’intégration.
Le monde anglophone est souvent associé à une vision du progrès (acquisition de nouveaux droits sociaux, politiques, économiques) et à une culture fédératrice, riche de possibilités. Cette dernière repose sur les valeurs fondamentales, historiquement issues de la Common Law, de liberté, justice, démocratie, égalité, assistance. Ces valeurs sont au fondement de la Charte du Commonwealth et, plus largement, des conventions internationales qui protègent les droits humains (la Déclaration universelle des droits de l’homme ou la Convention européenne des droits de l’homme).
Ces valeurs et cette langue communes n’empêchent pas l’apparition de tensions internes, parfois héritées du passé, au sein des différentes sociétés anglophones, voire d’hostilités issues de préjugés de toutes natures, comme le rejet de la différence, ce qui amène les
pays à envisager de façons différentes leurs réponses à ces défis.
La thématique « Faire société » a pour objectif d’examiner la question de l’unité sous ses différentes facettes – non pas l’unité du monde anglophone, mais dans le monde anglophone – en insistant sur la variété des approches ; en effet, si une partie du monde
est anglophone, la langue anglaise n’est pas univoque et les modes de vie et les cultures
ne sont pas uniformes. De même, la diversité des politiques publiques donne à voir la complexité des questions sociales (d’un pays ou d’un niveau de gouvernance à l’autre),
dont rendent compte les intitulés retenus pour les axes d’étude : « Unité et pluralité »,
« Libertés publiques et individuelles », « Égalités et inégalités ».
Axe d’étude 1 : Unité et pluralité
Perçue comme un vecteur de cohésion sociale, la langue anglaise peut aussi faire l’objet de contestations par certains mouvements de revendication identitaire, notamment dans le cas où existent des langues et cultures minoritaires, pour certaines fortement localisées, qui mènent parfois à la création de mouvements séparatistes ou autonomistes (Québec, Nunavut au Canada ; Écosse au Royaume-Uni, etc.). Marqueurs culturels, les différents accents sont aussi source de fierté individuelle ou collective : c’est le cas pour les variantes d’accents régionaux (du nord ou du sud), locaux (en ville ou à la campagne) ou sociaux (déclinaison en fonction de la classe sociale). Les accents sont souvent devenus aujourd’hui des signes d’authenticité, s’opposant à l’utilisation d’une langue standardisée (le "standard" English) perçue comme l’apanage des élites.
La pluralité s’observe non seulement sur le plan linguistique, mais aussi sur les plans géographique, culturel, social, religieux et ethnique. On peut ainsi observer des différences culturelles, sociales ou économiques majeures entre le nord et le sud du Royaume-Uni ou des États-Unis ; entre les classes sociales (les modes de vie dans les vallées minières du pays de Galles ou les home counties du sud de l’Angleterre) ; entre les structures familiales ; dans les choix relatifs aux questions de société (mariages mixtes ou de même sexe, IVG, gestation pour autrui) qui font ressortir une grande diversité d’expériences.
Les cultures nationales se sont enrichies au contact de populations variées. La mise en commun de savoirs et d’approches conceptuelles différentes a ainsi eu pour effet de dynamiser certains secteurs d’activité. La diversité et la confrontation à la différence
peuvent néanmoins conduire à des difficultés d’adaptation, voire d’acceptation, en particulier pour les personnes liées à plusieurs cultures (sociales, ethniques, religieuses).
Par exemple, dans l’aire anglophone la question religieuse fait rejaillir la diversité des cultures (différences entre les sociétés confessionnelles et séculières ; variantes du protestantisme ; diversité des cultes à la suite des vagues d’immigration) et un type d’accommodement privilégiant la tolérance à la laïcité, historiquement et philosophiquement différent des choix opérés en France pour ménager un espace
public de vie commune. Si l’on note un affaiblissement des croyances et de la pratique religieuse dans certains pays de l’aire anglophone, ce n’est pas le cas partout. Le phénomène de sécularisation est limité par le fait que la religion reste encore très présente dans les discours des acteurs sociaux et politiques.
Les festivals culturels ou religieux au niveau local, les célébrations et commémorations au niveau national, constituent autant de facteurs de cohésion et de partage. Certaines pratiques culturelles comme le sport ou la musique (hymnes nationaux, musiques populaire ou classique) contribuent à renforcer le sentiment d’appartenance. Inversement, différents systèmes de stratification sociale (castes ou classes sociales, par exemple) définissent une source d’identité encore différente, rendant plus difficile la coexistence de populations traversées par des tensions en leur sein ou faisant l’expérience de mobilités sociales inégales.
Axe d’étude 2 : Libertés publiques et libertés individuelles
Pour les démocraties libérales contemporaines, le respect des droits fondamentaux est impératif : liberté de conscience, de pensée, d’expression, d’association, etc.
Les mouvements libéraux, en dépit de leur diversité, s’accordent en effet sur le concept de liberté individuelle qui respecte la sphère privée et prime sur la vie en collectivité.
Plus largement, le concept de liberté, droit inaliénable de la personne, se décline de façon certes individuelle, mais aussi inévitablement collective, lors de la constitution des États-nations. Historiquement, l’intégrité de certaines populations sur le territoire national n’a pas toujours été respectée et le rassemblement de populations diverses au sein de fédérations (Afrique du Sud, Australie, Canada, États- Unis, Inde, Malaisie, Nigeria, Pakistan, etc.) ou d’unions (Royaume-Uni), n’a pas toujours été consenti.
Ainsi les peuples autochtones ont-ils souvent été circonscrits ou mis à l’écart (politique des réserves), leurs droits fondamentaux étant bafoués ou minorés, quand la solution adoptée n’a pas été la partition territoriale. Des revendications identitaires ont pu mener au séparatisme au sein d’une fédération (ex. Québec au Canada) ou à la création de nouvelles institutions (processus de dévolution au pays de Galles, en Irlande du Nord et en Écosse) pouvant aller jusqu’à la demande de l’organisation d’un referendum d’auto-détermination.
À l’époque contemporaine, la question de la reconnaissance de droits égaux s’est alors posée afin d’assurer à tous une place dans la société et dans les structures de pouvoir (Afrique du Sud, États-Unis). Plus récemment a commencé à se poser la question du droit des peuples autochtones à obtenir des excuses, voire des réparations matérielles ou symboliques (Australie, Canada, Nouvelle-Zélande), dans le cadre parfois d’une politique de réconciliation (Afrique du Sud) plus ou moins acceptée politiquement.
Par ailleurs, la question des droits à conférer aux nouveaux arrivants ou, dans le cadre de bouleversements politiques, à certaines populations implantées depuis longtemps (Afrique de l’Est, Hong Kong, Royaume-Uni, etc.) provoque également de nombreux débats, comme celui sur le droit de résidence ou le droit de vote, posant plus largement la question de la citoyenneté et de sa définition. Dans un contexte où de nombreux pays cherchent à impliquer les citoyens dans la vie politique, se pose la question de l’élargissement du suffrage aux jeunes à partir de 16 ans (Écosse) ou aux étrangers pour les élections législatives ou présidentielles, car le vote est souvent perçu comme un facteur d’inclusion.
Du point de vue économique, la liberté individuelle d’entreprendre est au cœur du libéralisme et repose sur la prise de risque et l’innovation, dans un climat propice à la concurrence et à la création de profits. Elle fonde le développement du capitalisme industriel et financier. Mais on note, ici, une différence entre le libéralisme étatsunien, qui n’hésite pas à recourir à l’intervention de l’État (lois anti-trust, par exemple) et le libéralisme britannique, qui prône au contraire l’autorégulation du marché et la responsabilité individuelle.
Le respect de ces droits et leur conception même se heurtent à de nombreux
obstacles : opposition idéologique entre partisans et opposants (mobilisations, groupes de pression, politiques alternatives, moyens d’opposition, etc.). D’où la nécessité pour la justice de dire aux citoyens qu’ils ont le devoir de respecter la loi, nécessairement commune à tous (the rule of law), et les libertés qu’elle définit pour l’ensemble des citoyens.
Axe d’étude 3 : Égalités et inégalités
Les sociétés de l’aire anglophone sont en pleine mutation (sociale, économique, environnementale, parfois politique) et reconnaissent aujourd’hui, en plus des droits politiques, des droits sociaux aux citoyens, tant dans le domaine de l’emploi (accès, conditions de travail), que dans celui de la santé (universalité, contribution, exclusion), de l’éducation (accès, reconnaissance des diplômes, avenir professionnel), ou du logement (accès, prise en charge des sans-abris). Les citoyens aspirent à une vie prospère et heureuse et à l’égalité de traitement, non seulement devant la loi, mais aussi dans la vie quotidienne afin d’obtenir des conditions de vie décentes (accès à un logement, aux soins médicaux, à l’éducation, à un salaire ou tout au moins à une assistance, qu’elle vienne de l’autorité publique ou d’associations caritatives), dès lors que des sources d’inégalité liées aux origines géographiques (fracture nord/sud, est/ouest au niveau des pays mais aussi des régions), sociales, ethniques ou religieuses, font obstacle à leur projet. Les pouvoirs publics, confrontés à d’immenses enjeux, doivent relever d’importants défis pour instaurer une plus grande justice sociale et garantir un égal respect des droits entre les pays.
Certains systèmes éducatifs, politiques ou économiques sont accusés de perpétuer dans leurs structures mêmes les inégalités (existence parallèle de plusieurs systèmes d’éducation, accès au système de santé ou à l’emploi différencié selon des critères propres aux différents pays). Lorsqu’il est question de partage des richesses ou de mobilité sociale, on peut noter la persistance de modèles comme ceux du self-made man et du « rêve américain », où tout est supposé devenir possible si l’on applique les valeurs historiquement portées par « l’éthique protestante » (Wasp *), la croyance en une ascension sociale sans limite grâce au travail acharné. C’est ce qui fonde la différence entre la notion d’« égalité » et celle d’« égalité des
chances », sur lesquelles s’appuient certains mouvements politiques.
Des solutions sont parfois avancées pour corriger les inégalités par le biais de mesures législatives contraignantes touchant aux conditions économiques, à la fiscalité et à l’emploi. D’autres mesures incitent l’individu « à saisir sa chance » (bourses d’études, sponsoring, apprentissage).
A l'action des pouvoirs publics peuvent s’ajouter les initiatives philanthropiques, particulièrement développées dans les pays anglophones, qui contribuent à réduire les inégalités et à lutter contre la pauvreté (banques alimentaires, refuges).
Les associations caritatives occupent un espace important dans la société civile et contribuent également, par le biais de rapports et de statistiques, à informer citoyens et gouvernants sur les conditions sociales en proposant des textes législatifs ou des améliorations à ceux qui sont déjà en discussion. Ces rapports pointent souvent les inégalités dues à des facteurs extérieurs comme la pratique d'une discrimination institutionnelle (dans certains cas liés au racisme, au sexisme, à l’orientation sexuelle,
à l’aspect physique), les circonstances économiques (bas salaires, emplois précaires, pensions de retraite modestes ou inexistantes) ou politiques (situation de guerre),
les aléas climatiques (sécheresses, tempêtes, inondations), les aléas de la vie (perte d’emploi, maladie, divorce) qui peuvent précipiter des familles dans la pauvreté, entraînant des conséquences en chaîne (problèmes d’alimentation, de santé, d’espérance de vie), d’où la nécessité d’intervention en amont (maintien d’un salaire suffisant pour vivre, systèmes d’assistance).
(*) Wasp = Anglo-Saxon blanc et protestant
Thématique 2 : « Environnements en mutation »
Dans un contexte de mondialisation, de remise en cause des modèles de croissance, de changement climatique et de transition énergétique, le monde anglophone se distingue par la diversité de ses territoires (Australie et Nouvelle-Zélande, Canada et États-Unis, Caraïbes, Inde, Afrique anglophone, Royaume-Uni et Irlande, îles du Pacifique).
Ces espaces, par leur importance démographique, économique et politique ou par leurs ressources, sont amenés à jouer à l’échelle mondiale, quel que soit leur niveau de développement, un rôle de laboratoires, de centres d’impulsion ou de freins. Ils peuvent être traversés par des contradictions internes : le retrait américain de l’Accord de Paris en 2017 n’empêche pas l’État de la Californie d’afficher des objectifs ambitieux dans la lutte contre le réchauffement climatique.
La majorité des habitants sont, dans le monde anglophone, des urbains, récemment arrivés ou implantés de longue date. Les villes et les métropoles connaissent une attractivité et une concentration toujours plus intenses. Elles sont donc confrontées avec acuité aux problèmes de gestion des surdensités (étalement, logement, transport, emploi, déchets), de l’accès aux ressources (eau, nourriture, énergies, matériaux rares). Elles subissent les tensions suscitées par de fortes inégalités (ségrégation, gentrification, violences urbaines). Les paysages, les modes d’organisation, les manières de « vivre la ville » varient selon les aires géographiques et les niveaux de développement (mégalopoles nord-américaines ; villes industrielles du nord de l’Angleterre ; métropoles de Lagos au Nigeria ou Mumbai en Inde ; villes littorales de Floride ; villes minières d’Australie ou d’Afrique du Sud). Mais c’est dans les centres développés et dans les périphéries en développement qu’émergent certaines des réponses les plus inventives : technologies vertes, nouvelles formes d’habitat, modes de vie alternatifs et formes de contre-culture, mouvements citoyens et initiatives locales.
Les villes du monde anglophone côtoient parfois d’immenses territoires quasiment vides, où la nature, sanctuarisée, occupe une place majeure. On retrouve cette nature dans les imaginaires, notamment dans l’imaginaire qui préside à la construction des nations (l’imaginaire de la frontière, la célébration de la ruralité, les parcs nationaux étatsuniens, kenyans et sud-africains, Outback australien). D’immenses parcs naturels ou zones protégées jouent le rôle de réservoirs de biodiversité. Leur protection, qui s’appuie sur des traditions nationales variées (États-Unis, Angleterre, Afrique du Sud), constitue un grand enjeu de société, notamment pour les peuples autochtones (Uluru en Australie, territoires inuits en Alaska et au Canada).
Les Amérindiens, premiers occupants du territoire américain, protégeaient leur écosystème et transformaient perpétuellement leur environnement (pratiques agricoles telles que l’irrigation et l’écobuage). Le message des Amérindiens, fondé sur le respect de « Mère Nature » et la compréhension de « l’Esprit qui est en toute chose », fut ensuite repris et largement médiatisé par les militants de la contre-culture américaine des années soixante et soixante-dix. Ce message est encore très présent : aujourd’hui encore, plusieurs peuples autochtones manifestent à travers les États-Unis pour défendre leur territoire et leurs intérêts.
La diversité des situations et des espaces à toutes les échelles (de l’État au quartier, en passant par les régions et les villes) permet d’observer la manière dont les sociétés répondent aux défis actuels en s’adaptant, en innovant, mais aussi en s’appuyant sur des héritages et des permanences (savoirs des peuples autochtones, continuité dans
la gestion des parcs naturels, anciennes pratiques agricoles revisitées). La contestation, voire le refus de prendre en compte les enjeux environnementaux et sociaux, tient également une place non négligeable dans ces dynamiques (refus de limiter les émissions de gaz à effet de serre, attitudes climato-sceptiques, rejet de l’écologie au nom de l’efficacité économique). Entre un modèle productiviste, qui conçoit l’environnement comme une marchandise, et des pratiques anciennes de protection de la nature, on observe toute une palette d’attitudes et d’actions (approche coût-bénéfice de l’écologie, fiscalité verte, politiques de protection, procès écologiques, théories de la décroissance, malthusianisme, collapsology et survivalism, transition énergétique, implantation sur Mars).
Axe d’étude 1 : Frontière et espace
Les imaginaires liés à la frontière, à l’insularité, à la colonisation ou à l’idée d’empire sont régulièrement réactivés, tant au Royaume-Uni qu’aux États-Unis, en Afrique du Sud ou en Australie, suscitant de vifs débats et des contradictions entre ouverture et fermeture (libre-échange ou protectionnisme, accueil ou rejet des migrants). Les défis sont immenses pour ces sociétés développées ou en développement : comment gérer les fortes densités démographiques, les pénuries de ressources et les inégalités sociales et économiques ? Comment assurer la mobilité des populations ? Comment utiliser le progrès des transports et des communications pour peupler et maîtriser d’immenses espaces ? Comment concilier les flux touristiques avec la protection de l’environnement ? Face aux discours catastrophistes, l’imaginaire de la conquête spatiale et de la colonisation de Mars, the Last Frontier, trouve une nouvelle vigueur.
Les dimensions politiques, économiques et sociales de chacune de ces questions, saisies dans des approches transversales, pourront enrichir les analyses et stimuler
les débats.
Axe d’étude 2 : De la protection de la nature à la transition écologique
La notion de respect et de protection de la nature est ancienne dans le monde anglophone ; elle a connu une évolution au fil des siècles. Une mise en perspective historique permet de mieux comprendre les politiques et attitudes actuelles.
De la culture aborigène et son concept de Dreamtime (temps d’avant la création de
la Terre où les esprits ont créé les éléments de la nature), fondée sur la relation spirituelle existant entre les êtres humains, les animaux, les plantes et la Terre, à la culture des Amérindiens fondée sur le respect du Grand Esprit (Wakan Tanka pour
les Sioux) qui régit chaque élément de Mother Nature, on observe le désir des premiers habitants des pays aujourd’hui anglophones de protéger et sanctuariser
la nature.
À partir de la seconde moitié du XIXe siècle, à la croisée des sciences naturelles, des sciences humaines et de l’esprit du temps, est né le mouvement environnementaliste, ancêtre de notre actuel « développement durable », réflexion précoce et originale qui s’est élaborée en diverses régions du monde anglophone. Ce mouvement avait des racines philosophiques, religieuses, éthiques et idéologiques. Au sein du mouvement environnementaliste, deux tendances ont vu le jour : les « préservationnistes » et les
« conservationnistes ». Représentant la première tendance, John Muir partage la vision religieuse et romantique de H.D. Thoreau et R.W. Emerson. Gifford Pinchot, en revanche, de tendance « conservationniste », conçoit la conservation des forêts sur une base économique et utilitariste, le développement demeurant pour lui une préoccupation essentielle. Influencé par G. Pinchot, le président Theodore Roosevelt crée non seulement l’United States Forest Service, mais aussi cinq parcs nationaux et plusieurs monuments nationaux.
Les politiques actuelles de protection de la nature doivent également beaucoup aux mouvements de la contre-culture des années soixante et soixante-dix (partis écologistes, mouvance hippie ou New Age, écologie radicale). À l’échelle locale ou régionale, des initiatives fleurissent pour proposer des solutions alternatives, parfois en contradiction avec les décisions des États et les impératifs économiques (États-Unis, Inde, Nigeria). Ainsi ont émergé les notions de politique environnementale, d’écologie radicale, de développement durable, d’éco-féminisme. L’agrarisme et l’idéalisation du monde rural tiennent encore une grande place. Les populations autochtones, dont on réévalue aujourd’hui le legs écologique (Alaska, Australie, Canada, Hawaï, Nouvelle-Zélande) sont confrontées elles aussi au changement climatique, à l’utilitarisme économique et aux inégalités.
Enfin, il est important de considérer les politiques publiques et privées de ces différents pays à l’échelle de la planète (concept de transition planétaire impliquant les mesures des gouvernements, des ONG et des citoyens) ainsi que les représentations du changement climatique apportées par les médias et le cinéma anglophones.
Axe d’étude 3 : Repenser la ville
Le monde anglophone compte une large majorité d’urbains : c’est ainsi le cas en Australie (90 %), aux États- Unis, au Royaume-Uni et au Canada (plus de 80 %), ou encore au Nigeria (50 %). Seuls le Kenya, l’Inde et la Tanzanie comptent encore une majorité de ruraux, en recul cependant. Certains des pays les moins urbanisés abritent des villes qui dépassent le seuil de 10 millions d’habitants (Delhi, Mumbai, Lagos et Calcutta). La recherche d’une définition unique de la ville, typique du monde anglophone, est utopique : la diversité des modèles urbains est en effet très grande, façonnée par des histoires nationales spécifiques, malgré l’influence de la colonisation et de la mondialisation sur l’urbanisme, l’architecture et les modes de vie citadins (centre ancien, ville-musée, Central Business District, inner city et outer city, notion de downtown, type et fonction des zones périurbaines, ségrégation sociale, bidonvilles, townships d’Afrique du Sud).
Au poids démographique des villes s’ajoutent leur emprise, leur pouvoir politique, économique et culturel, qui leur permettent d’étendre leur influence sur un espace plus ou moins vaste : c’est le phénomène de métropolisation. L’espace anglophone compte de véritables « villes mondiales » (global cities, dont la définition, le classement et les attributs sont des enjeux pour les villes concernées), au premier rang desquelles on trouve Londres, New York, Chicago, mais aussi Sydney, Mumbai, Toronto, Los Angeles, San Francisco, Dublin et Melbourne. La concentration de pouvoir, de population, de richesses et de symboles façonne l’organisation de ces villes. L’image qu’elles renvoient devient essentielle dans la concurrence qu’elles se livrent. Pour demeurer attirantes, elles doivent rivaliser d’ingéniosité et promouvoir le dynamisme économique aussi bien que la qualité de vie.
De Las Vegas, ville « dispendieuse » construite en plein désert et soumise à des pénuries d’eau chroniques, à Brisbane, ville « durable » dotée d’un ambitieux cahier des charges environnemental, en passant par Vancouver, « ville la plus écologique » d’Amérique du Nord, les différences d’aménagement sont considérables. Mumbai, Nairobi ou Lagos sont, quant à elles, confrontées à des enjeux de développement spécifiques : la croissance extrêmement rapide de ces espaces, associée à un manque de planification urbaine et à la pauvreté, exacerbe les carences et les désordres. Cependant, toutes les villes subissent les effets de la pollution, les problèmes d’accès aux ressources, de gestion des déchets, de la place de la nature dans la ville, de l’inégal partage des richesses et de la saturation des infrastructures. Elles doivent se réinventer, sur le mode utopique ou politique, en faisant appel à la réflexion des architectes, des urbanistes (École de Chicago, sustainable design) et à l’engagement des citoyens. Elles doivent également réfléchir aux effets de l’embourgeoisement, de la fragmentation du tissu urbain, du tourisme de masse. Les initiatives fleurissent pour reconstituer le tissu urbain, à travers la politique des transports ou celles de l’accès au logement et aux services. La place des minorités et la prise en compte plus récente des femmes dans l’espace public urbain constituent un champ de réflexion en plein essor, dans lequel les arts tiennent une place majeure (architecture, photographie et art urbain).
Thématique 3 : « Relation au monde »
L’idée même d’un monde anglophone est l’héritage d’une phase de l’histoire de l’Angleterre, et plus généralement des Îles britanniques, où la constitution d’un empire, qu’il fût de peuplement (l’Australie, par exemple) ou de domination (l’Inde, par exemple), traça les contours d’un sous-ensemble aujourd’hui encore reconnaissable, quoiqu’aux limites changeantes selon que l’on s’en tient à l’un ou l’autre d’une série de critères : langue, peuplement, institutions, culture, religion, etc. À des fins de clarté, le programme pour cette thématique définit comme « monde anglophone » l’ensemble suivant : les États-Unis, le Royaume-Uni et les autres membres du Commonwealth, l’Irlande.
Cet ensemble est particulièrement étendu, divers et géographiquement dispersé. En outre, l’intensification du processus de mondialisation affecte une multitude d’échanges, en particulier de populations, de biens, de services et d’influences culturelles. L’emprise croissante de ces liens internationaux nécessite de mettre en relation l’étude des pays et des sociétés anglophones avec celle du monde dans lequel ils s’insèrent, et d’analyser les modalités complexes et changeantes de ces rapports. Comprendre la place du monde anglophone dans les relations internationales nécessite de mettre en balance trois particularités : les caractéristiques intrinsèques de chacun de ses éléments constitutifs ; le jeu des relations entre ces derniers ; les relations du monde anglophone avec le monde non anglophone. Chacune des composantes du monde anglophone fait partie intégrante du monde contemporain, qui contribue à la façonner (on songe, par exemple, aux mutations économiques en Irlande à la suite de son entrée dans l’Union européenne). Chacune agit en retour sur ce même monde, sur lequel elle porte un regard qui lui est propre (comme l’illustrent, par exemple, les positions différentes de l’Inde et des États-Unis sur la mondialisation). Cette complexité implique que la relation au monde des territoires anglophones n’est en rien statique.
Au sein du monde anglophone, dans le domaine des relations internationales, les États-Unis et le Royaume- Uni occupent une place particulière. Ils ont en commun d’être ou d’avoir été des puissances mondiales, exerçant à ce titre une grande influence. Tous deux sont aujourd’hui encore des acteurs internationaux de premier plan, capables d’influencer le monde par des moyens variés, qui peuvent relever d’une contrainte plus ou moins explicite (hard power) ou de la capacité à exprimer un modèle susceptible d’être imité spontanément par d’autres acteurs (soft power). Cependant, les États-Unis et le Royaume-Uni sont amenés à réévaluer leur place dans le monde, à une époque où l’ordre mondial fait l’objet d’évolutions et de renégociations majeures.
Logiques géographiques et héritages historiques, situations concrètes et modes de pensée, changements subis ou voulus, représentations et valeurs forment un ensemble complexe de relations, que l’on se propose d’aborder selon trois axes. Le premier évoque les vecteurs de puissance et d’influence dans et sur le monde contemporain. Le deuxième permet de dissiper l’illusion d’un pouvoir qui serait sans partage ni contrepoids. Le dernier, enfin, ouvre sur la diversité des réalités du monde anglophone, qui constitue dans le monde contemporain plus un réseau, voire un ensemble de réseaux, qu’un bloc uniforme animé d’une seule vision et parlant d’une seule voix.
Axe d’étude 1 : Puissance et influence
Depuis l’émergence de l’Angleterre des Tudor sur la scène internationale à l’orée de la Renaissance jusqu’à l’affirmation des États-Unis comme puissance majeure entre le tournant du XXe siècle et la fin de la Seconde Guerre mondiale, le concert des nations, depuis des siècles, se joue avec le monde anglophone. À chaque époque, sa présence dans le monde s’appuie sur une capacité de projection diplomatique, militaire, économique et culturelle.
Parmi les pays du monde anglophone, le rôle de puissance mondiale est aujourd’hui principalement l’apanage des États-Unis. Cependant, le Royaume-Uni conserve de nombreux traits de grande puissance, et l’on doit compter avec des acteurs régionaux d’importance, Australie et Nouvelle-Zélande notamment, ainsi que des réseaux d’alliances militaires ou des traités d’intégration financière et commerciale. D’autres acteurs parviennent à établir un domaine d’influence spécifique, comme en témoigne la tradition canadienne d’investissement dans la médiation internationale et le maintien de la paix dans le monde.
Étudier l’influence des pays du monde anglophone suppose d’aborder préalablement la notion de puissance. Celle-ci peut s’exprimer directement (faire) ou indirectement (faire faire) ; elle peut aussi s’inscrire dans une logique unilatérale ou multilatérale ;
elle peut encore prendre la forme d’actions contraignantes (par exemple l’intervention militaire ou la sanction économique) ou s’appuyer sur le pouvoir de convaincre et de séduire (par exemple grâce à l’exportation de produits culturels, au rayonnement des universités américaines et britanniques, ou encore à la place de médias comme la BBC dans la production de l’information mondiale). La conduite des grands acteurs mondiaux du monde anglophone n’est pas seulement dictée par leur puissance effective et leurs intérêts actuels. Elle peut également être influencée par des représentations parfois en décalage avec la réalité. En particulier, le Royaume-Uni comme les États-Unis ont été ou sont confrontés à la nécessité de redéfinir leur place dans un monde désormais multipolaire. Cette redéfinition s’établit dans une négociation avec des représentations héritées du passé. Aussi cet axe d’étude invite-t-il à réfléchir à la relation entre la puissance effective et la représentation qu’on a de sa puissance.
Axe d’étude 2 : Rivalités et interdépendances
Cet axe d’étude invite à réfléchir de manière nuancée à la manière dont les pays du monde anglophone s’inscrivent dans la communauté des États qui résulte d’un jeu complexe d’équilibres mouvants entre des acteurs nombreux et divers.
Aucun acteur international ne possède ni ne jouit de pouvoirs sans contrepoids, et, même si les rapports d’influence peuvent être inégaux ou asymétriques, ils ont toujours une dimension réciproque. C’est pourquoi influencer, c’est aussi subir des influences, qu’il s’agisse du champ de la diplomatie, de la puissance militaire, de l’économie ou de celui de l’expansion culturelle. Ces rapports d’influence réciproque peuvent prendre la forme de rivalités comme d’interdépendances, les deux termes n’étant pas exclusifs l’un de l’autre.
De plus, les notions de rivalité et d’interdépendance ne caractérisent pas seulement la relation dynamique qui se noue entre les acteurs de la vie internationale. La position de chacun d’entre eux est, en effet, le résultat de tensions qui définissent un équilibre mouvant (ainsi, un revirement électoral peut limiter la marge de manœuvre d’un chef d’État ou de gouvernement, ou au contraire l’accroître). Cet équilibre favorise plus ou moins la capacité à se positionner et à agir dans le monde. Il importe donc d’analyser par surcroît les négociations qui s’engagent dans la vie collective de chacun des acteurs. Ces négociations peuvent faire intervenir, entre autres, des mouvements politiques, des mécanismes institutionnels (comme les checks and balances et le système fédéral aux États-Unis), des intérêts régionaux (la puissance économique de la Californie, par exemple, pèse au sein des États-Unis), des acteurs économiques (les groupes de pression, notamment), des groupes de réflexion (think tanks) ou encore des mouvements de citoyens (recourant, par exemple, à la manifestation ou au boycott).
Axe d’étude 3 : Héritage commun et diversité
Le monde anglophone est plural, non seulement parce que les pays qui le composent se distinguent les uns des autres, mais encore parce qu’ils sont, en leur sein même, divers – qu’il s’agisse de géographie, de population, d’organisation de la vie publique, de religion, ou de culture. Le monde anglophone a été le premier, ou parmi les premiers à l’époque moderne, confronté à la problématique de l’unité dans la diversité. Au temps de l’expansion coloniale anglaise, puis britannique, la Couronne
et le Parlement organisaient cette diversité, avec l’appui de la force si nécessaire. Aujourd’hui, l’unité revêt plus communément une forme immatérielle, et la diversité, omniprésente, continue de jeter quelques grands défis, notamment en matière d’équilibre dans des relations sur lesquelles plane encore parfois, dans les représentations, les discours sinon dans les faits, l’ombre du passé colonial ou impérial.
Il importe d’envisager, d’une part, l’héritage commun du monde anglophone dans son interaction avec la diversité et, d’autre part, l’identité propre des diverses sociétés du monde anglophone : bien souvent, l’héritage commun a fait l’objet d’accommodements locaux (le base-ball américain et le cricket britannique en sont un exemple), qui ont parfois eux-mêmes affecté l’ancienne puissance colonisatrice en retour. Héritage commun et diversité sont donc liés par des phénomènes d’acculturation et d’appropriation qui mettent en jeu des influences multiples.